mardi 19 juin 2012

Eduard Khil, superstar soviétique des années '70




Eduard Khil en 1977

Les textes de ce blogue ne sont pas dans leur forme définitive. Des corrections et des ajouts y seront apportés au cours des prochains mois.


Dernière mise à jour: le 18 juillet 2012.


J'adore ces plaisirs très démodés des années '70... Ce qui nous semble d'une ringardise sublime aujourd'hui faisait à cette époque palpiter bien des coeurs soviétiques... Moi-même, si, à l'aube de mon adolescence, j'avais habité à Léningrad plutôt qu'à Montréal, j'aurais sans doute été follement amoureuse d'Eduard Khil (1934*-2012), le prince charmant de la chanson des mornes années Brejnev.


C'est sans ironie aucune que j'affirme qu'Eduard Khil, qui avait reçu une formation de chanteur classique au Conservatoire de Léningrad**, était un artiste de variétés hors pair.


D'abord et avant tout il y avait la voix, exceptionnelle et toujours parfaitement maîtrisée sans perdre pour autant sa chaleur et son pouvoir de susciter mille images, mille émotions dans l'imagination et le coeur des auditeurs, même de ceux qui ne comprenaient pas un mot de russe.


Seuls les plus grands interprètes de la musique classique ou moderne possèdent ce don par lequel une chanson peut toucher tous les coeurs, peu importe la langue ou la nationalité de ceux qui l'écoutent.

Aussi bon comédien que chanteur, ce Russe passionné et généreux exprimait presque autant de choses par ses gestes et ses yeux que par sa voix.

 
Son talent et son charisme s'accompagnaient d'une élégance naturelle et d'un physique très agréable. Il avait un visage à la fois bienveillant et sensuel, d'un grand charme et plutôt beau.

Dandy sans prétention, il était séduisant même revêtu de complets beige ou marron.

Et en plus, il pouvait danser!

 
Ce n'est pour pour rien que plusieurs grands compositeurs et paroliers russes ont écrit autant de chansons magnifiques pour lui. Ils pouvaient toujours compter sur Eduard Khil pour les rendre très populaires.
 
Ci-dessous, il chante l'une de ses plus belles chansons dans un décor très moderne qui représente le centre-ville de Moscou la nuit:

Eduard Khil a chanté beaucoup de chansons sur la deuxième guerre mondiale et la glorieuse Armée rouge, dont ce très grand succès:

Son sex-appeal tout soviétique était alors à son apogée. (Eduard Khil avait même été obligé d'engager des gardes du corps pour protéger sa épouse, Zoya, qui l'accompagnait partout en tant que directrice artistique et chorégraphe de ses spectacles. Des femmes, rendues complètement folles par leur passion pour le bel Eduard Anatolievitch, avaient menacé de tuer Mme Khil ou de la défigurer avec de l'acide! L'une d'elles avait même tiré sur la pauvre Zoya...)

Il paraît que des admiratrices se bousculaient pour toucher la tache, vestige d'une brûlure, qu'Eduard avait sur le nez!***

La vidéo ci-dessous nous montre Eduard avec la gaieté contagieuse dont, paraît-il, raffolaient les Soviétiques... Quand il chantait une chanson légère, son bonheur était si grand que son visage s'illuminait comme un sapin de Noël. 


La vidéo ci-dessous est probablement la plus jolie qu'il ait jamais tournée. Dommage qu'elle soit en noir et blanc. Il chante l'un de ses plus grands succès, Hiver, élue chanson de l'année deux années de suite, en 1971 et 1972.



À 14 ans, aussi snob que stupidement romantique, j'aurais renié Eduard à jamais à cause de cette chanson: Les lâches ne jouent pas au hockey, possiblement la plus stupide qu'il ait jamais chantée. J'ose espérer que c'est le gouvernement soviétique qui l'a forcé à l'ajouter à son répertoire. Bon joueur, Eduard met plus d'énergie dans son interprétation et sa gestuelle qu'un attaquant en pleine finale de Coupe du monde:


Une ou deux années plus tôt, j'aurais eu de la peine à lui pardonner son fameux Vocalese, plus connu sous le titre Je suis si heureux d'être de retour à la maison (qui devait plus de 30 ans plus tard devenir le phénoménal mème «Trololo»). C'était certes un grand exploit vocal de la part d'Eduard, mais j'aurais été trop stupide pour l'apprécier à sa juste valeur.

La fameuse vidéo aurait été tournée en Suède en 1976. 

Interrogé à propos de la vidéo, en septembre 2011, Eduard Khil a avoué qu'il ne se souvenait plus du tournage, mais il a reconnu le costume. C'est une immigré russe, vendeuse dans une mercerie, qui lui en avait cadeau. Il a affirmé qu'il aimait l'aspect visuel de la vidéo et qu'il ne comprenait pas pourquoi elle avait déclenché des millions de crises d'hilarité à travers la planète.


Dans cette vidéo, Eduard Khil a possiblement livré la performance la plus étrange de sa carrière. Il semble jouer de façon humoristique un brave bûcheron qui revient chez lui après tout un hiver passé au plus profond de la forêt, mais un bûcheron maquillé, coiffé et vêtu comme une sorte de métrosexuel soviétique. Combinés aux fards trop épais, son sourire béat et ses yeux écarquillés rendent sa physionomie bien bizarre. Est-ce un être humain ou un prince charmant de Walt Disney qui a plaqué la princesse pour devenir bûcheron?

Franchement, cette vidéo avait tout pour devenir un classique sur YouTube: une mélodie entraînante, une performance vocale extraordinaire, un look, une physionomie et une gestuelle un peu... décalées, et un décor super kitsch. Au moins, grâce à Trololo, Eduard Khil est devenu une vedette mondiale au tournant de ses 75 ans et il a conquis une nouvelle génération de fans en Russie.



Trololo, 34 ans plus tard. Chapeau, monsieur Khil!


Et, pour les vrais fans de Trololo, voici Eduard Khil qui la chante live en 1968.


Dire que le même jour que Trololo, il a tourné un clip de cette chanson, l'une de mes préférées, l'envoûtante Pierre de lune


Pauvre Eduard Anatolievitch... Avec la quantité de rouge à lèvres que la maquilleuse avait tartiné sur sa bouche, on aurait pu peinturer toute une flotte de camions de pompiers!
 
En 1981, un Eduard Khil très enjoué chantait 2x2=4 dans une émission pour enfants. Il aimait signer des autographes avec le même dessin que sur le tableau.


 
Aurais-je eu plus de goût pour les maths à l'école si j'avais eu un prof aussi mignon et sympathique? Mmm... Je crois que les chiffres se seraient encore plus embrouillés dans ma pauvre petite tête!

À 16 ans, je crois que j'aurais volontiers poireauté avec Eduard à l'aéroport même s'il avait commencé à avoir l'apparence d'un homme d'âge mûr. Il avait à l'époque environ 48 ans. 


Et puis, au cours des années suivantes, j'aurais aimé de la musique plus «cool» et fait tout mon possible pour oublier Eduard Khil et mon béguin ridicule pour lui... Jusqu'à mes 40 ans, l'évocation de son nom m'aurait fait rougir de honte. Et, un jour, j'aurais revu la vidéo de Pierre de lune ou une autre des années soixante-dix où il était jeune et beau, et j'aurais de nouveau craqué. Nostalgie oblige.


J'aurais acheté une ou deux compilations de ses plus grands succès et je m'en serais voulu un peu de ne pas les avoir écoutés depuis si longtemps. Sa voix et ses chansons sont si belles qu'il avait été complètement idiot de m'en priver.

La métamorphose du prince charmant soviétique en sémillant grand-père m'aurait fait de la peine, car cela m'aurait rappelé que je ne rajeunissais pas moi non plus. Mais, en 2010, je me serais réjouie de son retour à l'avant-scène, avec cette joie de vivre et cette voix qui avaient toutes les deux résisté comme par miracle aux années et aux chagrins.
 
À sa mort, en juin 2012, je serais moi aussi morte un peu dans mon coeur et j'aurais enterré pour de bon la fillette de 12 ans naïve, romantique, passionnée, snob et si exigeante envers son idole, et dont il m'était arrivée parfois de sentir la présence fantomatique dans une vie d'adulte trop terre-à-terre.
Oublions les décors ringards, les habits parfois peu seyants, le maquillage souvent outrancier et les coupes de cheveux désastreuses... La seule chose qui comptait vraiment, c'était la voix d'Eduard Khil qui s'élevait le plus souvent à une hauteur infinie au-dessus de l'aspect visuel plus ou moins réussis de ses passages à la télévision.
 
Je regrette de n'avoir jamais entendu parler d'Eduard Khil avant son décès. Mais après avoir écouté une quarantaine de ses chansons sur YouTube, je l'ai ajouté au groupe très sélect des rois et des reines de mon iPod: Marc Almond, Ella Fitzgerald, Billie Holiday, Mabel Mercer, Jacques Brel, Henri Salvador, Patricia Barber, Barbra Streisand, Leonard Cohen, etc.

Et je suis comblée de bonheur à l'idée qu'il me reste au moins 200 vidéos à regarder sur YouTube.

Pour en apprendre plus sur Eduard Khil:
Un site de fan reconnu par la famille Khil, en russe.

Note*: Selon ses propres dires, Eduard Khil serait né en 1933 plutôt qu'en 1934 . Une erreur administrative après la guerre l'aurait rajeuni d'un an pour l'état civil.
Note**: Eduard Khil n'a jamais abandonné la musique classique. Il a enregistré et chanté sur scène de nombreux airs d'opéra ou d'opérette, dont les vingt lieds de La belle meunière, de Schubert (traduits en russe).
Note***: Pour avoir eu moi-même un contact physique privilégié avec mon chanteur préféré (un Américain) quand j'avais 15 ans, je peux affirmer que l'expérience de groupie est largement surestimée.

Forum de Montréal, en décembre 1981: ma mère et moi sommes arrivées une heure avant le spectacle et comme la température est très douce, nous décidons de faire le tour de l'immeuble avant d'entrer dans la salle. Au fond, nous espérons apercevoir l'idole à son arrivée au Forum.

Une porte latérale s'ouvre brusquement, je suis bousculée et je manque de tomber. Une voiture, une simple Ford, s'arrête et le butor qui m'a presque fait tomber et qui ne s'est pas excusé, monte dedans à toute vitesse. J'ai à peine le temps d'apercevoir une chevelure jaune canari avant que l'auto ne démarre en trombe. 

Très déçue par mon idole, je ronge mon frein pendant tout le spectacle que je trouve pourri.




On dirait une publicité pour le super fixatif à cheveux radioactif  disponible seulement en Union Soviétique... Cette laque blindée vous protégeait contre les missiles américains et résistait aux ouragans et aux cyclones. Par ailleurs, un homme qui se montrait avec des cheveux hirsutes en public gagnait un voyage en allée simple pour la Sibérie.


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